Tête droite, inspire lentement, expire encore plus lentement, rappelle toi qu'elle n'est pas ton ennemie ; c'est simplement une personne qui fait son travail et qui ne veut que ton bien. Tirant doucement sur les plis de sa chemise il passe la porte de la salle d'attente, venant s'installer sur un fauteuil en cuir noir qui crisse lorsqu'il entre en contact avec le tissu de son jean, lui arrachant ainsi un léger grognement d’inconfort. Ses yeux se promènent sans but sur la décoration de la pièce qu'il déteste tant alors que dans un geste mécanique il sort de sa poche une petite boite cylindrique dans les tons orangés. Il se racle nerveusement la gorge avant d'ouvrir la boite avec laquelle il joue depuis quelques secondes, en sortant deux gélules qu'il engloutit comme si ces derniers n'étaient que des bonbons.

«Merci d'avoir patienté Mr. McGregor, la séance peut commencer.» Et voilà qu'arrive cette voix affreuse, celle de sa putain de psychiatre. Inspire Anthony, elle veut simplement t'aider. Elle s'inquiète juste pour toi. Une main vient se perdre dans ses cheveux, les ébouriffants alors qu'il écoute distraitement les paroles de la femme en face de lui.

Il n'a jamais été normal, il se sait. Il a toujours été différents des autres enfants, ne voulant pas se sociabiliser et se montrant violents au moindre contact physique un peu trop violent ou simplement un peu trop abrupte. Il n'a pas beaucoup de souvenirs de son enfance, beaucoup d'entre eux sont bien trop flou. Il se souvient surtout de son père, des cris et des tabourets qui volent dans la maison, des larmes de sa mère et de la haine viscérale qui s'emparait de lui à chaque fois que son regard croisait celui de son géniteur. Il se souvient des coups, de la force avec laquelle son père l'envoyait au sol lors de ses «crises», il s'en souvient tellement que par moment la douleur revient, comme si elle ne l'avait jamais quitté.

Trouble Explosif Intermittent, voilà le nom de cette horreur qui était en lui tout comme elle était en l'homme qui lui avait donné naissance. Il se souvient, il n'avait que 13 ans lorsque le médecin avait annoncé ces mots, il n'avait que 13 ans lorsque les médicaments et les rendez-vous psychologiques ont commencés. Anthony se souvient de la haine qui lentement, tel un serpent, venait se glisser sous sa peau, il se souvient encore des pulsions de colère et de violences à l'encontre de son père, du connard qui avait osé lui donner son prénom.

Peur, il était mort de peur. Pour ce souvenir là de son enfance, Anthony ne se souvient que de ça, de la peur intense qui avait prit possession de tout son corps alors qu'il se débattait, hurlait dans les bras d'un homme qu'il ne connaissait pas sous les yeux larmoyants de sa mère qui en boucle répétait des versets de La Bible, le regard perdu dans le vide, c'est vrai, sa famille a toujours était catholique, il avait oublié ce détail. Pour être honnête il ne se souvient pas de grand chose en rapport à ce moment, simplement de sa mère, de cet inconnu qu'il mordait et griffait en hurlant, de son père au sol et surtout du sang. Jamais il n'arriverai à oublier le sang qu'il avait sur les mains, le sien et celui du monstre qui jonchait désormais au sol.

Les couloirs étaient vides de tout bruit dans son souvenir, il ne voyait personne passer devant la porte de ce qu'il considérait petit, et qu'il considère toujours comme une cellule. «C'est pour ton bien mon chéri.» répétait sa mère à chacune de ses visites, comme un disque qu'on passerai en boucle, «C'est pour te protéger de toi-même.» et lui l'avait cru maintenant qu'il y repense, il était vrai que pas une seule fois il n'avait réussi à se blesser lors de ses crises dans ces pièces aux murs molletonnés, après tout son corps n'arrivait qu'à rebondir contre la douceur des murs de sa prison, et tel un oiseau blessé il décida simplement de rester au sol, hurlant à s'en faire mal à la gorge pendant des jours pour sortir de l'endroit qu'il a rapidement fini par haïr, transformant rapidement cette haine en phobie des espaces confinés.

Pour ce qui est de son adolescence, l'écossais ne s'en souviens aucunement, simplement quelques bribes de souvenirs de cours, parfois de rire mais surtout de disputes, de cris et de colère. Les bons souvenirs et lui ne sont pas une chose commune. Anthony sera toujours le premier à le dire, il n'a que deux bons souvenirs de son enfance, le premier étant les soirs ou sa mère venait s'asseoir à ses cotés pour lui chanter une berceuse, et un moment de son adolescence, son premier groupe d'ami pour être exact. Le reste de sa mémoire n'est que brouillard ou moment de violence, de sentiments négatifs. Il se souvient cependant d'où lui vient sa passion pour changer sa couleur de cheveux tout les deux jours, il se souvient que ça lui vient de ce foutu connard qu'il appelle son père, de la peur qui lui ronge les tripes à chaque fois qu'il regarde le miroir, à chaque fois qu'il voit dans son reflet le visage de l'homme qui l'a maudit de sa maladie. Voilà donc pourquoi il avait autant de bouteille de coloration dans sa salle de bain.

Il entend la voix de la psychiatre et fronce les sourcils, elle lui parle vaguement de se souvenir de comment il s'est retrouvé ici, et Anthony retient un grognement sourd, quelle idée con. Comme si il avait pu oublier ça. Prenant une grande inspiration il se décide à ouvrir les yeux, venant poser son regard chocolat sur la femme en face de lui. Nerveusement il serre une main sur son jean, venant se racler la gorge.

«J'ai pris l'avion pour venir ici après le décès de ma mère. Depuis j'vis ici. C'est tout.» Alors que la psychiatre allait reprendre la parole, la demoiselle sursauta alors que la main de l'écossais rencontra violemment son bureau, laissant une petite liasse de billet avant de sortir, ignorant du mieux qu'il pouvait l'annonce de la date du prochain rendez-vous, tout en se doutant bien qu'un bout de son cerveau avait déjà noté la date et l'heure dans un bout de son cerveau.

Alors qu'il errait en ville, il eu un léger rire amer alors que son cerveau venait lui répéter en boucle la dernière phrase que la femme lui avait dit avant qu'il ne quitte la pièce.

«Vous avez fait beaucoup de progrès Mr. McGregor. Cette ville semble vous faire du bien, restez-y un maximum.»